Dreux un Avenir en Commun

Dreux un Avenir en Commun

Ne laissons plus aux médias le choix de nos mots !

Ceci est un billet sinon d'humeur du moins d'opinion. Ce texte n'a pas d'autres ambitions que de s'interroger et de réfléchir à ce qui aujourd'hui ne tourne pas rond dans ce pays... 

 

Polarisation de la politique en France, ni de gauche, ni de gauche... ou comment laisser les médias polariser la vie politique ?

 

Le champion de la plus grande escroquerie à la dépolarisation politique en France c'est incontestablement Emmanuel Macron ! Se faire élire sur un programme qui a révélé tout au long du quinquennat sa vraie nature prédatrice, en affirmant n'être ni de gauche, ni de droite c'est malgré le soutien de tous les médias principaux et en raison du mensonge éhonté que cela représente une sacrée gagueure...

 

C'est qu'Emmanuel Macron a bien su surfer sur la vague du rejet de la classe politique et du système de la représentativité qui avait cours alors, amenant par ailleurs beaucoup de citoyens à s'éloigner du vote. Puisque cette dépolarisation gauche / droite a pu bénéficier à un banquier se lançant à l'élection présidentielle sans réelle carrière politique, avec seulement une cooptation oligarchique pour gravir très rapidement des échelons dans les rouages de l'Etat et finalement occuper un poste de ministre c'est incontestablement que cette tendance à la dépolarisation qui a été une formidable aubaine pour Macron en 2017 représente une régression démocratique sans précédent dans notre pays en terme d'expression politique pluraliste.

 

La polarisation gauche / droite est un héritage de l'opposition entre les classes populaires et les classes bourgeoises, même si les contours et les limites de ce paysage politique n'ont cessé de bouger. Cette délimitation et ce clivage ont participé de la vie politique durant des décennies. Ils constituaient un bornage idéologique qui permettaient aux classes populaires de se reconnaître autour de repères, de valeurs communes et de luttes pour leurs intérêts de classe. Les classes bourgeoises elles mêmes s'identifiaient très majoraitairement à la droite qui défendaient ses intérêts. Mais aujourd'hui, on est amené à constater que cette polarisation gauche / droite tend à ne plus être reconnue par beaucoup comme un schéma régissant la vie politique en France. Est-ce un constat ? Est-ce une perspective qu'on veut à tout prix faire croire aux classes populaires ? 

 

Car si Emmanuel Macron a pu, entre autres moyens et stratégies, user de ce subterfuge pour abuser grand nombre d'électeurs c'est bien que quelque chose a permis qu'ils croient en cette thèse de pouvoir se placer dans une position politique qui ne soit ni de gauche, ni de droite. Est-ce la réalité pour autant ? Pour Emmanuel Macron on sait tous aujourd'hui que c'était une imposture. 

 

Si la polarisation gauche / droite que la France a connu par le passé s'est désagrégée progressivement durant les dernières décennies c'est à cause de facteurs multiples. Certes, les politiques menées par ceux qui, arrivés au pouvoir, se prétendaient de gauche et mettaient scrupuleusement en place des mesures de plus en plus libérales en sont une cause majeure, mais ce ne sont pas les seules. Les pressions européennes, les financements publics, l'engrenage des réformes qui, en sabordant le modèle social, défaisaient progressivement tous les liens historiques avec le passé durant lequel ces conquis sociaux avaient été arrachés par les luttes (jusqu'à avoir des ministres du travail qui ignoraient jusqu'au nom d'Ambroise Croizat), les privatisations massives, la concentration médiatique, les transformations urbanistiques, techniques et culturelles aussi...

 

Au niveau mondial, dans les années 80 jusqu'en 1989 date de la chute du Mur de Berlin, la fin progressive de la polarisation des blocks communisme vs libéralisme a contribué également à modifier les représentations. Pourtant passés à l'économie de marché et au capitalisme, la Russie et la Chine restent le camp du "mal" pour beaucoup de gens. Mais d'autres "ennemis" ont émergé depuis. Le multilatéralisme que Macron appelle de ses voeux n'est pas celui de la coopération internationale mais bien celle de multiples polarisations d'ennemis à combattre. 

 

En France, il y a cependant une cause qui, à la fois a participé à cette rupture idéologique, et qui constitue en même temps le ferment de la nouvelle polarisation qui s'est installée dans le pays à mesure que la polarisation gauche / droite s'affaiblissait. Cette cause trouve son apogée pendant le quinquennat Macron avec le durcissement de la doctrine du maintien de l'ordre et l'usage disproportionné de la force en direction des opposants politiques aux mesures du gouvernement et plus particulièrement ces dernières semaines avec le cortège de lois liberticides qui se succèdent dans les assemblées du pays ainsi que des décrets pris sans vote de la représentation nationale. Cette cause est en réalité une campagne idéologique de longue haleine qui a envahi le champ politique et médiatique depuis des lustres. Le gouvernement en organise actuellement le point d'orgue du quinquennat avec sa proposition de loi sur les séparatismes.

 

Au départ, dans les années 80, ce n'était le fait que d'un seul parti d'extrême droite. Tout le reste de la classe politique et des médias signifiaient officiellement leur opposition à ce parti. Mais depuis le début du 21ème siècle, ce parti, à force de relais médiatiques de sa propagande, a commencé à peser sur les élections et en particulier sur l'élection présidentielle. Les partis de droite ont commencé à puiser explicitement dans les idées de ce parti espérant rallier son électorat. Mais au-delà, une très grande partie de la classe politique néolibérale et les médias qui les soutiennent ont compris le profit qu'ils pourraient tirer du fait que ce parti d'extrême droite divise la classe populaire et affaiblisse considérablement les forces qui se positionnent contre les offensives du système capitaliste néolibéral.

 

Alors ils ont creusé ce filon jusqu'à ce que pas un jour ne se passe dans ce pays sans que le venin de la division de la classe populaire ne soit inoculé par la voix des politiques ou par la voix des journalistes. C'est certainement dans leur esprit le vaccin idéologique le plus puissant contre l'irruption de la lutte des classes dans le paysage politique. Mais ce n'était pas suffisant. Il fallait aussi affaiblir et circonvenir tous les lieux de résistance et de lutte, qu'ils soient syndicaux, associatifs, politiques... Cela a été fait progressivement à l'aide des plus puissants outils néolibéraux dont les plus efficaces sont les financements et le pantouflage.

 

Emmanuel Macron pensait régner sur un pays dans lequel le méchant virus de la lutte des classes ne viendrait plus perturber ses plans. Ainsi, bien que disposant de la majorité absolue à l'assemblée nationale, il recourrait volontiers à des ordonnances pour inscrire ses mesures dans la loi comme cela a été le cas pour les ordonnances de la loi travail afin d'éviter de longs débats.

C'était sans compter sur la pugnacité de la France insoumise et du PCF et de syndicalistes qui n'avaient pas abandonné la lutte des classes. Cependant, tous les moyens de propagande à disposition du pouvoir étaient bientôt mis en oeuvre pour faire taire cette opposition... En vain. Cependant, il n'était plus question de se revendiquer explicitement de la "gauche" comme si la gauche était morte avec ceux qui avait trahie l'idée qu'elle portait jadis de défendre les classes populaires. La dépolarisation de la vie politique était toujours en marche et poursuivait son récit affabulateur d'une société débrarrassée des idéologies s'inspirant des penseurs marxistes, de la lutte de classes et des divergences d'intérêts entre le monde capitaliste de la finance et des entreprises et la majorité des citoyens.

 

Mais quand la température augmente sans cesse, si la marmite doit déborder, elle déborde ! Et c'est ce qui s'est passé avec le mouvement des Gilets Jaunes qui s'est imposé dans le pays à partir de novembre 2018. Leur détermination, leur courage et leur ténacité feront date dans ce pays. La réponse extrêmement délétère du pouvoir d'une violence inouie a démontré la force d'un mouvement populaire et la faiblesse politique du pouvoir.

 

Cependant, ce mouvement a inscrit son action dans le cadre même de la dépolarisation de la construction politique actuelle. Se définissant tantôt apolitique, tantôt comme apartisan, ce mouvement a eu pour ambition de représenter le peuple en se dégageant de toute appartenance à une organisation quelle qu'elle soit. Ce positionnement se situe exactement dans le champ de ce qui a permis à Emmanuel Macron de se faire élire en 2017, libre et soit-disant vierge de toute attache partisane, il amalgamait tous les concepts dans une bouillie tiède qui pouvait plaire aux uns et aux autres, mais surtout misait sur la promotion de sa personne par les médias qui comblerait les vides de sa pensée faussement globalisante mais vraiment néolibérale.

 

Le fait de se déclarer "apartisan" avait sans doute pour vocation de dépasser le clivage qui divise les classes populaires entre ceux qui restaient camper sur l'idée que l'immigration était la cause majeure des problèmes et ceux qui refusaient cette vision des choses.

 

Mais le résultat de ce positionnement c'est que ceux qui sont sortis dans la rue durant ces longues semaines, ces années maintenant, ont laissé aux médias et à la classe politique à laquelle ils s'opposaient la liberté de les définir, de les enfermer dans un cadre qui les séparait du reste de la population. Et ce faisant de minimiser leurs aspirations, d'invisibiliser progressivement leurs revendications pour que ne reste d'eux qu'une image de force brutale et ignorante.

 

Et ceux parmi les politiques qui ont fait le choix de soutenir le mouvement des Gilets Jaunes ont subi le même sort. Les médias et les politiques soutenant Macron ont réagi avec opportunisme en apposant l'étiquette d'extrêmisme sur ceux qui soutenaient le mouvement des Gilets Jaunes.  

 

La dépolarisation gauche / droite s'est accompagnée d'une dépolitisation des citoyens. La formation des idées politiques pour les classes populaires passaient et passent par les syndicats ouvriers et les partis politiques. Or, si la dépolarisation s'appuie sur l'idée qu'on ne peut plus faire confiance à ces organisations, la diminution des engagements militants a donné lieu à un vaste mouvement de dépolitisation qui est remplacé par l'omniprésence de la propagande médiatique.

 

Aux dernières élections municipales, l'affichage d'un parti politique ou d'un mouvement politique était battu en brèche et très souvent remplacé par une nouvelle valeur sûre "le collectif citoyen". Ainsi tout le panorama politique de gauche, du centre et aussi parfois de droite se présentait comme représentant un collectif citoyen. Cette appellation reflétait dans les faits des réalités très diverses. Ainsi le contournement de la dépolarisation gauche / droite et de la dépolitisation concommitente cherchait une façon différente d'attirer les électeurs dans ses rêts. Ce qui paraissait assez normal pour la France insoumise, qui est un mouvement qui s'adresse et travaille en direction des classes populaires, semblait tout à fait incongru de la part de listes avec des candidats issus du mouvement En Marche dont le président élu est radicalement éloigné des citoyens dans sa tour d'ivoire du pouvoir solitaire.

 

De la même façon les thèmes abordés lors de ces élections se calquaient invariablement sur les idées et programmes des mouvements et partis de gauche, même pour les candidats issus du centre, du mouvement présidentiel ou de la droite dure. Et cela en particulier en ce qui concerne l'écologie. Cela correspond à une idée dont le parti censé en être le fer de lance a produit des personnalités politiques qui affirmaient pouvoir être néolibéraux de droite et en même temps écologistes. Mais lorsque, dans les médias, aucune contradiction ne vient nourrir un débat d'idées, les éléments de langage peuvent s'installer comme autant d'impostures.

 

La premier enseignement qu'il convient de tirer de la lutte des Gilets Jaunes c'est qu'il n'existe pas d'engagement public qui soit véritablement apolitique. Toute prise de position dans un domaine suppose une prise de position vis-à-vis du pouvoir et des mesures prises par le pouvoir en place et elle est nécessairement politique. 

 

Ensuite, il y a deux façons d'être apartisan, hors de toute affiliation à un parti ou à un mouvement politique. Être apartisan dans le but de rassembler au-delà des partis ou bien être apartisan dans le but de se démarquer des partis. Dans le premier cas, l'intention peut sembler louable qui consiste à essayer de fédérer ceux qui sont hors de partis et ceux qui tout en étant déjà affiliés pourraient considérer que la lutte vaut le coup d'être menée ensemble. Dans le second cas, on crée une nouvelle mouvance qui refuse l'organisation politique en partis, mais ce faisant on crée un nouveau "parti" virtuel, non organisé, de ceux qui refusent les affiliations partidaires.

 

Tout positionnement politique revêt une signification quoi qu'il en soit. Et, d'une certaine façon, plus la page est "blanche", plus les médias seront à même de remplir cette page blanche sur la base des événements et des éléments de langage de leur choix en focalisant sur tel ou tel aspect qui tend à servir les intérêts de ceux qu'ils défendent, en l'occurrence pour les grands médias concentrés, les idées néolibérales. Par ailleurs, plus la prise de risques est grande au niveau des idées avancées contrevenant aux discours dominants, plus les forces militantes seront considérées comme une menace à l'ordre établi et plus les réactions des politiques et des médias défendant cet ordre seront virulentes. Et leur volonté de salir et de marginaliser ces forces sera grande.

 

C'est ainsi que les partis et mouvements politiques dosent leurs interventions et la portée de leurs messages dans le but de ne pas se faire disqualifier par les voix des médias dominants qui d'éléments de langage en éléments de langage tendraient à les classer dans une catégorie politique "dangereuse" et à les reléguer hors du champ démocratique et institutionnel, à les invisibiliser, à "caviarder" toutes leurs interventions pour justifier leurs pratiques médiatiques discriminantes. C'est ce qui est arrivé à la France insoumise et aux Gilets Jaunes notamment. 

 

Actuellement, les luttes qui auraient par le passé été associées à l'idée de "gauche" sont qualifiées d'extrême gauche et de populisme. Parallèlement, le parti d'extrême droite et ses multiples ramifications tout en étant toujours décrits comme des populismes se voient accorder plus d'audience et de crédit par ces mêmes médias. Le terme "populisme" a été ainsi le terme qui a servi de dénominateur commun pour rassembler sous la même idée de dangerosité des partis et des mouvements de gauche avec les partis d'extrême droite. Ce sont les médias et le pouvoir en place qui délivrent les étiquettes politiques et qui assignent les places des forces politiques dans un schéma qu'ils créent eux-mêmes.

 

Comment peut-on s'accomoder que les médias soient des antichambres où se concoctent des stratégies pour assigner telle ou telle force politique à telle ou telle place dans l'arc politique du pays sans que puisse se jouer un débat d'idées, sans que les forces puissent se confronter les unes aux autres, idées contre idées ?

 

Comment la vie démocratique peut-elle survivre à un tel mécanisme médiatique ? 

 

L'une des conséquences de ce développement médiatique invasif c'est que le socle de la famille politique qu'on appelait "la gauche" est réduit à une portion congrue du paysage politique. Tandis que la droite et l'extrême droite s'associent allègrement autour des mêmes idées, rejointes par Emmanuel Macron, occupant tout l'espace politique et tout l'espace médiatique.

 

Comment enrayer cette machine délétère qui corrompt l'esprit et qui nuit si gravement à la vie démocratique de notre pays ? Certains disent "ne regardons plus ces médias..." Mais pendant que nous vivrons dans notre bulle idéale sans cette propagande, celle-ci continuera à se répandre et à déformer le débat politique. D'autres disent "agissons et les gens verront la différence..." Cette idée est juste mais n'oublions pas que nous sommes au 21ème siècle dans une société à la fois éclatée et connectée. Eclatée parce que les gens vivent avec souvent comme seule communauté leur famille ou leur milieu de travail, connectée parce qu'une rencontre avec un militant va être un moment court face au flux de la propagande qui lui est incessant et bénéficie d'atouts comme les études d'opinions qui peuvent permettre de réorienter les stratégies médiatiques. D'autres encore insistent sur "la bataille des idées". Mais il est clair que Macron et les médias sont passés maîtres dans les techniques qui consistent à affadir, affaiblir, dévoyer et disqualifier les idées.

 

Il paraît clair qu'il est désormais insupportable de laisser les médias polariser à leur guise la vie politique dans ce pays. Il paraît indispensable de refuser toutes les assignations imposées par cette propagande et que les forces de progrès social et démocratique clarifient eux-mêmes le socle sur lequel ils construisent l'avenir. Si le terme "gauche" est jugé caduc alors c'est aux premiers concernés qu'il convient de le déclarer et de se trouver un nouvel espace où bâtir ensemble. 

 

Ne laissons plus aux médias le choix de nos mots !

 

                                                                                                                   Agnès Cueille

  

 

 

 

   

 

 

 

 



07/02/2021
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