Dreux un Avenir en Commun

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Partenariat Public Privé Petit panorama historique (épisode 1)

Si l'on interrogeait des passants dans un micro trottoir sur ce que représente le Partenariat Public Privé (PPP) aujourd'hui, il y a fort à parier que la connaissance de ce domaine, sa nature, son ampleur, ses tenants et ses aboutissants ne seraient guère connus de la grande majorité des personnes interrogées. C'était les cas de chacun de nous avant que nous n'examinions avec intérêt ce domaine. C'est pourtant un ensemble de dipositifs qui structure profondément notre pays et en particulier les Collectivités Territoriales.

 

Il paraît important de se fixer pour tâche d'y voir plus clair dans ce domaine qui évolue très vite sous l'impulsion de la politique néolibérale qui a cours actuellement en France. Y voir plus clair au niveau historique, du point de vue national et également local avec les Partenariats Public Privé qui ont été initiés dans la Commune de Dreux et dans la Communauté d'Agglomération du Pays de Dreux sous la houlette des élus.

 

Présenté comme un progrès novateur en cela qu'il fournirait des outils de développement économique aux Collectivités Territoriales, le Partenariat Public Privé s'inscrit en réalité dans l'Histoire de l'économie comme un système prenant ses racines dans la féodalité et l'Ancien régime et se poursuivant avec la montée en puissance du libéralisme, de son essor et de ses multiples crises aussi. Il sera intéressant ensuite de savoir s'il existe dans l'Histoire ou/et dans la législation des dispositifs qui permettent de faire autrement que de recourir au Partenariat Public Privé.

 

Le Partenariat Public Privé définit les relations économiques et commerciales qu'entretiennent les pouvoirs publics (la puissance publique) avec le secteur économique et commercial privé. 

 

Sous l'Ancien régime, le pouvoir royal délègue à différents acteurs privés des services dans de très nombreux domaines. "Ayant tout délégué par absence d'administration interne à l'Etat et faiblesse continue des moyens fiscaux, l'Ancien régime est à l'origine de tous les contrats publics et de toutes les formes de délégations."(1) 

 

Le plus ancien mode de délégation partant du pouvoir royal en passant par les seigneurs locaux et les communautés consistait à vendre une concession dans les domaines de "l'eau, la salubrité, l'urbanisme, l'éclairage public, la police locale, la voirie..."(2)

Ensuite, pour la seconde forme de délégation, en ce qui concernait des aménagements nécessitant des travaux, le roi confiait la délégation à une personne choisie en particulier

Enfin, la troisième forme consitait en une "délégation fiscale ou domaniale" c'est-à-dire le fait de louer ou de vendre des charges de lever des impôts directs ou indirects, de frapper la monnaie, d'exercer une profession réglementée, de gérer le domaine royal (domaines, mines, colonies...).

 

Ce qui est notable dans cette description des premiers partenariats entre le pouvoir royal et les personnes de la société, c'est que c'est l'absence de corps administratif qui conduit le roi à confier par délégation des concessions dans les domaines aussi bien régaliens (aujourd'hui réservés à l'Etat) que domestiques (services de fournitures de biens à la population). En conséquence, moins la puissance publique dispose d'une administration intégrée à l'Etat et rémunérée par elle, plus elle est contrainte de recourir à la délégation de service public au domaine privé.

 

Aujourd'hui, la diminution des personnels des services publics et des administrations de l'Etat qui se poursuit dans de nombreux domaines tend vers l'attribution de plus en plus importante des missions de services publics à des opérateurs privés.

 

Sous l'Ancien régime, cette délégation se faisait par adjudication, c'est-à-dire louer ou vendre aux enchères une charge par l'intermédiaire d'un notaire par exemple, ou bien "inituiti personae"(3), c'est-à-dire en fonction de la personne, ce qui ne mettait pas en concurrence le bénéficiaire avec une autre personne, celui-ci étant choisi pour ses qualités ou son appartenance à un réseau. La première méthode par adjudication aux enchères a pour but de confier la concession au plus offrant, la seconde à privilégier le profil de la personne bénéficiare du contrat.

 

Aujourd'hui, les délégations de services publics à des délégataires privés qu'elles émanent de Collectivités Territoriales, de Sociétés d'économie mixte locale ou de syndicats intercommunaux, sont soumises à une réglementation formalisée du code de la Commande Publique. Cette réglementation repose sur le principe constitutionnel d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique, aux principes de liberté d'accès et de transparence.

 

Cependant, il serait plus juste de dire que les procédures de délégation étaient soumises à une réglementation formalisée car de nombreux aménagements pour "assouplir" les procédures ont été apportés aux textes initiaux constitués progressivement durant la seconde moitié du XXè siècle.

 

Les modifications les plus notables ont été engagées par Emmanuel Macron en 2018 et applicables en 2019 et 2020, suite à une directive européenne (2014/24/UE).  Il s'agit de l'ordonnance 2018-2074 du 26 novembre 2018 dont les dispositions MAPA. Censés favoriser entre autres choses les PME, le respect de l'environnement et la transparence, ces "assouplissements" de la réglementation font en réalité disparaître de nombreux aspects des procédures qui garantissaient le traitement d'égalité des candidats et confèrent dorénavant aux délégants une très grande latitude pour contourner des garde-fous qui présidaient aux principes initiaux.

 

Parmi ceux-ci figurent des paliers de montants des marchés publics qui permettent aux représentants publics des Collectivités Territoriales notamment de ne pas publier une publicité pour les marchés, de procéder à un appel d'offre ouvert ou restreint, de négocier avec des délégataires en soustrayant ceux-ci à la concurrence, de ne pas prévenir les candidats évincés (4). Ces principes risquent fort de ne pas atteindre leur but et de rendre plus opaques et plus soumises à subjectivité pour ne dire favoritisme, l'attribution de nombreux marchés publics à des délégataires privés à l'avenir.

 

En effet ces nouvelles disposititons complètent et résonnent avec une plus grande liberté qui avait été accordée aux maires en 2009 de pouvoir engager des procédures et surtout des dépenses sans en référer préalablement au Conseil municipal réuni pour statuer. Il leur suffisait de présenter succinctement leurs démarches a posteriori.(5) Ils disposent pour ce faire d'une réserve financière publique auprès d'une banque privée de manière à pouvoir honorer ces dépenses.

 

Article L2122-22 alinéa4 du Code Général des Collectivités Territoriales modifié par la loi n° 2009-179 du 17 février 2009

"Le maire, par délégation du Conseil municipal, peut être chargé en tout ou partie et durant la durée de son mandat..."

"De prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, lorsque les crédits sont inscrits au budget."

 

A cela s'ajoutent la loi "secret des affaires" (6) et la loi ESSOC autorisant la suppression du rapport de gestion dans les PME (7) qui sont autant de mesures qui rendent plus opaques les activités des entreprises privées et par voie de conséquence les activités liées au Partenariat public privé pour les citoyens.

 

Voici par conséquent des dispositions législatives qui confèrent aux personnes publiques une très grande lattitude pour engager des dépenses publiques dans le domaine du Partenariat Public Privé qui était beaucoup plus encadré par la loi auparavant. Quelles conséquences est-il possible d'en tirer ? D'une part, ces textes de loi ont tous pour but de contourner des procédures démocratiques basées sur des principes constitutionnels, d'autre part ils préssuposent que l'élu qui dispose de ces pouvoirs élargis le fera toujours dans le cadre de l'intérêt général de ses administrés, sans subir d'influence du type lobbying ou sans outrepasser ses droits parce qu'il agirait sous l'influence d'une conception d'inspration trop néolibérale en oubliant l'intérêt de tous les habitants de sa Commune ou de la Communauté d'Agglomération. Ces mesures ne garantissent plus contre les risques ni de corruption, ni de la mise en oeuvre de décisions arbitraires dans le domaine de la commande publique. Sous couvert de continuité, de fluidité et de compétitivité, ce sont les processus démocratiques qui sont mis en péril. 

 

Encore un pas dans cette direction et nous en reviendrons à accorder aux élus également présents dans les conseils d'administration des sociétés anonymes d'économie mixte locales le pouvoir que possédait jadis le roi de choisir les bénéficiaires privés des concessions selon le principe de "intuiti parsonae" c'est-à-dire au final de façon tout à fait arbitraire et subjective.

 

Une première conclusion semble s'imposer. Le mouvement qui consiste à déréguler l'attribution des marchés publics et à privilégier le Partenariat Public Privé paraît toujours davantage devoir pencher vers les intérêts privés plutôt que vers l'exercice strict de la démocratie et la satisfaction de l'intérêt général.    

 

Dans le prochain épisode nous verrons comment les concessions de services publics ont évolué en fonction des pouvoirs en place et des grands événements de l'Histoire que nous rapporterons aux conditions du Partenariat public privé d'aujourd'hui et de Dreux en particulier. 

 

 

Notes de références et liens

(1), (2) et (3) "Une approche historique du partenariat public-privé" (article) par Xavier Bezançon, revue d'économie financière, 1995, Hors-Série n°5

(4) https://www.collectivites-locales.gouv.fr/passation-des-marches-1#L%E2%80%99appel%20d%E2%80%99offres%20ouvert%20ou%20restreint

(5)https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=539FD25F458A63336562117C404F815C.tplgfr24s_2?idSectionTA=LEGISCTA000006192256&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=20191112

(5) http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-48530QE.htm

(6) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000037262111&dateTexte=20191112

(7) Loi ESSOC, loi 2018-727 du 10 août 2018

 



12/11/2019
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